Chapitre II

Chapitre II



Je vous apporte, ma chère enfant, une nouvelle inattendue, surprenante… une nouvelle très heureuse !

Françoise de Chancel leva les yeux sur Mme Bertin qui, assise en face d’elle, donnait tous les signes d’une extraordinaire agitation.

Nathalie devance la date de son retour en Suisse ? s’écria joyeusement la jeune fille dont le visage s’illuminait.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Mme Bertin. Il s’agissait bien de Nathalie !

Déjà prête à gagner les salons où, ce même soir, devait avoir lieu le concert du maître, la vieille dame était venue frapper à la porte de France. Celle-ci l’avait priée de s’asseoir un instant. Elle achevait d’agrafer le corsage très ajusté d’une robe de soie gris argent, dont la longue jupe brodée de roses chair s’évasait comme une corolle, lorsque Mme Bertin se décida à brûler ses vaisseaux :

Ma petite France, Michel Marsac vous demande en mariage !

La phrase prononcée, un silence de quelques secondes pesa dans la chambre. Françoise n’avait pas fait un mouvement. Simplement, elle fixait sur son interlocutrice un regard de stupeur. Enfin, comme si les mots eussent dû venir d’elle-même pour concrétiser une réalité, elle répéta :

Michel Marsac !

Et, tout aussitôt, dans une protestation involontaire :

Mais il me connaît si peu, madame !

Mme Bertin sourit encore. Sans parler, elle contempla la jeune fille debout devant elle, son ravissant visage altéré par l’émotion, ses yeux d’un bleu profond largement ouverts, son front penché, et elle songea que bien d’autres, à sa place, auraient montré moins de modestie.

Je comptais sur cette objection, mon enfant, dit enfin la vieille dame. Concernant tout autre que Michel, elle serait juste. Mais ne savez-vous point comment les véritables artistes diffèrent du commun des mortels ?

Et, sans attendre une réponse que ne songeait d’ailleurs guère à formuler sa protégée, elle reprit :

Il y a huit jours, Françoise, que Marsac est ici ; huit jours durant lesquels, s’il fuyait le monde, notre ami recherchait volontiers ma compagnie, c’est-à-dire la vôtre. Or, les natures exceptionnelles sont ainsi faites qu’elles pénètrent les caractères, découvrent les intelligences, devinent les âmes, avec une sensibilité infiniment plus aiguë que tout autre, plus rapide par conséquent.

Mme Bertin s’interrompit pour juger de l’effet que produisaient ses paroles. Cette femme, d’une grande bonté, possédait un fond de romanesque que les années n’avaient pu émousser ni amoindrir. Jouer ce rôle actif dans une aventure sentimentale la comblait d’un plaisir d’autant plus grand que le bonheur de deux êtres auxquels elle était attachée se trouvait en jeu. Aussi, fut-ce avec une fougue nouvelle qu’elle continua :

Laissez-moi, ma chère France, vous parler un peu de celui qui m’a chargé, ce soir, de plaider sa cause… Vous connaissez son nom ; depuis des années, il brille dans toutes les capitales du monde. Mais Marsac est mieux encore qu’un virtuose célèbre. C’est aussi un homme d’honneur dont la vie privée, quoique résolument défendue contre la curiosité publique, n’a jamais donné prise à la malveillance, pas même à la critique. Il est orphelin. De sa fortune personnelle, je ne puis vous parler. Cependant, à cause même d’une certaine libéralité, je l’imagine importante. Par ailleurs, il mène une existence confortable et exempte, cela se devine, de tout souci matériel. Enfin — on ne sait trop pourquoi — une sorte de mystère entoure sa personne. Mais cela ne saurait déplaire à une femme.

« Que vous dirai-je de plus, mon enfant, pour vous engager à accueillir favorablement sa demande ? Vous êtes raisonnable, pleine de bon sens, et apprécierez, sans nul doute à sa valeur, la chance de bonheur qui vous échoit.

La vieille dame se tut et, tournée vers Françoise, guetta sur le visage incliné le reflet de secrètes pensées. Pour gagner sa petite amie, elle avait déployé une éloquence convaincante, dont elle attendait en toute sécurité le bon résultat.

On eût bien étonné Mme Bertin en lui disant que son intervention était, en l’occurrence, assez imprudente. Elle connaissait Françoise, certes, depuis sa naissance et, ayant assisté à tous les bouleversements de cette jeune vie, pouvait répondre de la trempe particulière d’une belle âme. Mais, en revanche, quelles garanties offrait à la jeune fille ce Marsac dont Mme Bertin elle-même ignorait tout le passé ?

Vraisemblablement, la vieille dame ne s’arrêta guère à cette idée que l’on pût juger sa connaissance du violoniste imparfaite. Michel était beau, brillant et célèbre ; cela ne suffisait-il pas à l’obscure Françoise et cette dernière pouvait-elle désirer une meilleure caution de bonheur ?

La jeune fille, justement, relevait ses yeux que, pendant tout le discours de son amie, elle avait tenus fixés à terre. Elle parlait, mais ses mots n’étaient point tout à fait ceux que son interlocutrice attendait :

Vous remercierez M. Marsac, madame. Vous lui direz combien je suis reconnaissante… et flattée… mais si surprise que je ne peux, ainsi…

Bien entendu, mon enfant. Michel comprendra que vous n’arrêtiez pas une telle décision à la légère. Il désire d’ailleurs vous entendre lui-même, après son concert. Je vais lui apporter, de cette entrevue, les meilleures espérances.

Le grave regard de la jeune fille se posa sur celui de Mme Bertin.

Non, madame, ne parlez point de la sorte à M. Marsac. Je sais que quelques instants me seront insuffisants pour prendre une résolution dont ma vie entière doit dépendre. Il est trop tôt pour me demander une réponse. Dites-lui qu’il n’en fasse rien, que je l’en prie !

Mme Bertin, avec sa pétulance ordinaire, s’était levée et le bruissement de sa robe de faille accompagna des paroles catégoriques :

France, vous déraisonnez !

Mais, aussitôt, avec plus de douceur, la vieille dame reprit :

Mon enfant, Michel a ses tournées, ses répétitions, ses concerts. Il ne peut attendre indéfiniment le bon plaisir d’une pensionnaire capricieuse.

Un pâle sourire entrouvrit les lèvres de Françoise :

Je ne suis plus, hélas ! depuis bien des mois, pensionnaire. Mais, peut-être, cette épithète de capricieuse, l’ai-je, sans le savoir, méritée.

Toute trace d’impatience s’effaça du visage de Mme Bertin. Elle s’approcha de la jeune fille et, posant les deux mains sur ses épaules :

Pardonnez-moi, dit-elle. Je crains tellement que vous ne passiez à côté du bonheur !

Françoise releva la tête :

Mais… je suis heureuse.

Non, France ! Vous jouissez, pour le moment d’une existence paisible, ce qui est tout diffèrent. Et, pourtant, cette existence elle-même pendra fin. Un jour, Nathalie se mariera ; dès lors cesseront vos fonctions près d’elle… En supposant que vous soyez, jusque-là, demeurée en Slovitanie.

Françoise avait pâli. Son intelligence vive et prompte saisissait, avant même qu’elle ne s’extériorisât, la pensée de son amie.

Je n’ai jamais espéré que ma vie s’écoulât tout entière dans la tranquillité, dit-elle. Mais j’envisage l’avenir sans crainte, car Dieu donne toujours la force à ceux qui la lui demandent ardemment.

Mme Bertin s’agita. Depuis son entrée dans la chambre de Françoise, elle ne progressait guère et sa mission était loin d’un heureux résultat. Elle considéra la jeune fille dont les traits, s’ils offraient encore les marques d’une certaine émotion, n’avaient, en tout cas, rien d’irrésolu. Et la vieille dame se dit que toute amicale pression, toute insistance répétée seraient vaines. Françoise, forte de cette sagesse dont les dures leçons de la vie l’avaient dotée, suivrait la route qu’elle jugerait bonne à son destin.

Mme Bertin ne savait point que sagesse et raison ont, dans un cœur de vingt ans, de bien fragiles racines et qu’il n’existe si parfait bon sens dont certains assaillants ne viennent à bout. La vieille dame poussa un soupir de regret — elle eût tellement désiré revenir triomphante auprès de Michel — et se dirigea vers la porte.

Je vous laisse, dit-elle ; le temps passe et c’est à neuf heures, très exactes, que le concert doit commencer. Il serait malséant, ajouta-t-elle avec un sourire, que vous y arriviez en retard.

Elle poussa un battant et, se tournant vers sa jeune amie qui l’avait rejointe :

Je vais donc chez Marsac, mon enfant, l’exhorter à la patience. C’est là tout ce qu’il m’est permis de faire, n’est-ce pas ?

Peut-être l’ambassadrice de Michel espérait-elle un triomphe de la dernière minute, car, sous, le ton léger, une interrogation se devinait. Mais la jeune fille, silencieusement, inclina la tête et cet assentiment fut son unique réponse. Alors, après un geste amical adressé à sa compagne, Mme Berlin, emportant sa déception, disparut.

France ne sut point combien de temps elle était demeurée immobile à la même place. Elle revint enfin vers sa coiffeuse dont les deux ampoules allumées éclairaient seules la chambre, s’empara d’une brosse et se mit à lisser ses cheveux. Mais, bientôt, sa main retomba, tandis que, de ses lèvres à peine remuées, un nom s’échappait :

« Michel ! »

En son esprit, les pensées se heurtaient comme font les feuilles d’automne un soir de tempête ; et ce mot était comme un exorcisme magique dont la douceur apaisait un instant le tumulte de son cœur :

« Michel ! »

Les paupières baissées, elle revoyait le visage de la première rencontre : ces traits orgueilleux, ce regard sombre, cette bouche sur laquelle les mots de prière naissaient d’une si impérieuse façon. Depuis, France avait su que cette bouche pouvait sourire, ce masque s’adoucir et ce regard briller. Mais toujours, en face de Michel, elle conservait l’impression étrange de se trouver devant une âme close, irrémédiablement et à l’accès interdit.

Dans son trouble, la jeune fille s’était levée. Se rapprochant de l’une des fenêtres, elle vint, longuement, y contempler la nuit.

Un ciel miraculeux, d’un bleu sombre, étoile d’or, paraissait envelopper le palace. Dominant les solitudes glacées, les hautes torchères de bronze allumaient, loin au-delà des terrasses, de féeriques scintillements. Alentour, les sapins étaient de cristal, les monts d’argent clair. Sous bois, les sentiers rayonnaient comme les voies lactées d’un ciel profond.

Et, soudain, Françoise secoua la tête avec impatience. Allons, n’était-elle donc plus la maîtresse de ses pensées ? Elle avait demandé à Marsac un laps de temps suffisant pour réfléchir au problème de sa destinée. Plus tard, elle saurait prendre son parti. Ce soir, le moment n’était pas encore venu.

En bas, sur l’esplanade, régnait une animation inaccoutumée. Devant la porte de l’hôtel, des ombres s’entrecroisaient ; des piétinements, accompagnant la molle glissade des traîneaux, montaient jusqu’à la chambre close. Puis, les bruits s’espacèrent, toute agitation cessa. France comprit alors qu’elle ne pouvait davantage s’attarder.

La jeune fille s’était arrachée de la fenêtre et, ayant fait quelques pas dans la chambre, s’empara d’une écharpe de gaze rose qu’elle jeta sur ses épaules et d’un petit sac en perles nacrées. Elle éteignit ensuite posément les lampes et ouvrit la porte de son appartement.

À l’extrémité du couloir, un grand escalier de marbre, à rampe de fer forgé, plongeait dans le hall. Immobile, avant d’aborder la première marche, Françoise, d’un regard, embrassa celui-ci tout entier. Plusieurs lustres de cristal l’éclairaient, cent fois multipliés par les piliers faits tronçons de glaces qui soutenaient la voûte. Des cloisons pivotantes de plusieurs salons avaient été retirées afin de gagner un espace vaste. Et, en considérant la foule d’auditeurs déjà en place, on admettait l’à-propos d’une telle précaution.

L’annonce du concert Marsac avait rempli, de la base au faîte, le palace. Vers celui-ci étaient aussi montés, ce soir, les hivernants dispersés dans le village ou les chalets de la forêt. Si France eût jamais mis en doute la parole de Mme Bertin concernant la célébrité de Michel, le seul spectacle de ce hall bondé de monde l’eût convaincue.

La jeune fille descendait maintenant les marches recouvertes d’un beau tapis persan. Sa venue était tardive, car l’heure prévue pour le commencement du concert se trouvait dépassée et nombre de regards se tournèrent de son côté.

Avec une sorte de hâte — il lui semblait que chacun dût remarquer son trouble et en deviner la cause — l’orpheline chercha à rejoindre Mme Bertin. Celle-ci, heureusement, n’était pas très éloignée, et elle put bientôt s’asseoir à la place réservée par sa vieille amie. Au même instant, il se fit dans l’assemblée un grand silence ; et France, relevant la tête, aperçut alors Michel.

Comme si l’arrivée de la jeune fille eût été le signal par lui attendu, le violoniste venait de se détacher d’un groupe. Le coude appuyé au grand piano à queue, il donnait maintenant les dernières instructions à son accompagnateur. L’instrument se trouvait placé sur une estrade peu élevée et recouverte de tapis qui occupait l’une des extrémités du hall. Tout à côté, à hauteur des lambris, un grand luminator de marbre blanc translucide, posé dans une niche du mur, éclairait le maître avec douceur. Marsac se releva. Il était vêtu de l’habit noir qui soulignait une élégance racée, indéniable. Son visage, aux joues à peine creusées sous leur teint mat, au nez droit, à la bouche précise, était immobile et sans tressaillement.

Une fraction de seconde, les yeux de Françoise croisèrent le regard ardent et dominateur dont, toujours, la rencontre lui causait une anxiété inexplicable. Mais son nom était, près d’elle, prononcé à voix basse et la jeune fille se détourna.

Penché sur son siège, Bertrand du Breuil lui souhaitait le bonsoir. Il tenait à la main un mince feuillet plié en quatre que, bientôt, il tendit à France sans paraître remarquer son étonnement. Puis le jeune homme s’éloigna.

Lentement, elle déplia la simple page, arrachée à quelque agenda, et sur laquelle une haute écriture avait tracé ces mots :

« Pour vous seule, ce soir, je vais jouer… »

Les premières mesures de la Sonate à Kreutzer déroulaient, sous la voûte, leur harmonie. La salle n’était plus qu’une même âme passionnément tendue vers le génie immortel. Les notes montaient, vibrantes, et chacune d’elles jetait vers Françoise la merveilleuse révélation.

Les doigts étroitement refermés sur l’étrange et orgueilleux message, le visage très pâle et le cœur bondissant, la jeune fille essayait de recouvrer tout au moins un calme apparent. De sa place, elle découvrait l’estrade et, au bord de celle-ci, la haute silhouette vers laquelle, invinciblement, son regard était attiré.

Pour Michel, plus rien maintenant ne paraissait exister. Une sourde flamme animait son visage et jusqu’aux paupières à demi baissées. Sa main fine allait et venait au gré de la mesure ; elle semblait, dans un geste prestigieux de création, donner des ailes aux strophes inoubliables.

Avec angoisse, l’orpheline suivait des yeux cette main toute-puissante qui, indifféremment, conduisait les mélodies et les destinées. La divine harmonie la pénétrait tout entière, s’insinuait en elle, baignait son âme, l’entourant de ses ondes comme d’un magique rempart. C’était une sorte d’envoûtement que Françoise subissait en pleine conscience.

Vaguement, dans les courts intervalles qui fractionnaient l’audition, la jeune fille entendait Mme Bertin glisser à son oreille des titres : sonates de César Franck, de Claude Debussy. Enfin vint la Sonate pathétique, de Beethoven.

Une âme magnifique s’était réveillée sous les doigts du maître… une âme, avec ses tourments, ses larmes et ses regrets. Aux accents passionnés succédaient les plaintes déchirantes, aux traits vibrants de tendresse, les notes plus sourdes d’un cœur blessé.

Lorsque Marsac reposa son violon, une immense ovation monta vers la voûte. La salle entière, debout, acclamait le maître avec enthousiasme et exaltation.

Étouffée par le fracas des applaudissements, la voix de Mme Bertin s’éleva :

Nous attendrons ici, mon enfant. Michel va être très entouré ; il ne faut point songer à l’approcher encore.

En signe d’acquiescement, Françoise inclina la tête. C’était le seul geste que lui permît sa profonde émotion. Avec la dernière note eût dû s’envoler le mystérieux sortilège et, pourtant, la jeune fille se sentait en son pouvoir plus que jamais.

Là-bas, le violoniste avait quitté son estrade. Debout, le visage calme, à peine, par instants, éclairé d’un rare sourire, il répondait aux compliments dont on l’assaillait.

Marsac s’est surpassé, ce soir, dit la vieille dame, après avoir gardé un instant le silence.

Et, bien que Françoise n’eût jamais, auparavant, entendu le maître, elle accueillit ces paroles comme l’expression exacte de la vérité.

Dans son sac, la jeune fille venait de glisser le billet du jeune homme et tentait de s’intéresser aux remous de la foule à travers les salons. Mais nul détail ne forçait son esprit, nulle diversion ne pouvait l’atteindre. Rétive pour la première fois, sa volonté ne l’amenait pas vers ce calme ardemment désiré.

Des minutes passèrent, que Françoise, avec une puérile anxiété, eût voulu retenir. Et, soudain, Mme Bertin dirigea vers l’extrémité du salon son face-à-main d’écaillé brune.

Voyez donc, mon enfant. Je crois, en vérité, que Michel nous attend.

De nouveau, la jeune fille tourna les yeux vers le violoniste, dont le regard, passant au-dessus des nombreux visages, semblait, en effet, fouiller la salle avec une impatience mal dissimulée.

La vieille dame s’était déjà levée. Suivie de sa protégée, elle traversa le hall et put enfin rejoindre Michel. Avec son inimitable élégance, celui-ci reçut le tribut d’une admiration fervente. Puis, se tournant vers l’orpheline :

Et vous, mademoiselle, ne me direz-vous rien ?

Sa voix basse avait des inflexions vibrantes, ses yeux scrutaient le visage de Françoise avec une ardente attention.

Autour des jeunes gens, une sorte de vide s’était fait. Les plus tenaces admirateurs de Marsac, découragés par une certaine manière qu’il avait d’accueillir les importuns, se dispersaient dans les salons. À quelques pas, Mme Bertin s’entretenait avec le secrétaire ; et l’on entendait glisser, à la porte, les traîneaux commandés pour la fin du concert.

À la question de Michel, Françoise avait relevé la tête. Mais, comme elle allait formuler une réponse, il l’arrêta brusquement :

Non ! Attendez !

Puis, devant l’étonnement de sa compagne, le jeune homme expliqua :

J’ai, ce soir, trop entendu les mêmes mots pour leur découvrir sur vos lèvres une résonance nouvelle. D’ailleurs, ce ne sont point ceux-là que je sollicite de vous.

France serra autour de ses épaules l’écharpe de gaze rose. Sous ce voile léger, malgré la haute température du hall surchauffé, elle frissonnait. Avec étonnement, Marsac la regarda. Peut-être s’apercevait-il pour la première fois qu’elle était belle. Et puis, avec plus de douceur, il reprit :

Mme Bertin m’a, tantôt, apporté un espoir dont je ne me sens pas digne. Et, cependant, la nature humaine est ainsi faite que j’aspire à son immédiate réalisation.

Ah ! qu’il augurait bien sa puissance, celui dont le talent magnifique avait, ce soir, terrassé une salle entière et un jeune cœur frémissant ! Comme il savait se jouer des résistances, emporter les hésitations et, par l’autorité de son art, gagner la plus rude des parties !

De nouveau, il s’était penché vers Françoise, interrogeant du regard le clair visage un peu contracté. Et, dès cet instant, la jeune fille sut qu’elle capitulait.

Plus tard, lorsque France voulut revivre l’étonnante scène de ses fiançailles, elle se souvint seulement d’une voix grave et chaude, aux inflexions harmonieuses, à laquelle, enfin, sa propre voix avait répondu :

« Oui. »



À suivre...


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire